Lettre à Louis XIV

Lettre à Louis XIV, Fénelon, 1694

Introduction

Ce texte est une lettre réelle adressée indirectement au roi de France par un dignitaire de l’Église, proche de l’entourage du Roi. Fénelon fut le précepteur d’un des petits-fils de Louis XIV. Cette lettre est sans doute passée entre les mains de Mme de Maintenon, devenue alors l’épouse du Roi. Cette personne a eu une influence politique considérable et une influence culturelle remarquable : elle a commandée deux pièces à Racine (Esther et Athalie). Cette lettre propose un constat de l’état de la France, interroge le Roi sur sa responsabilité et ose présenter l’image d’un Roi idéal.

Un constat douloureux

Ce constat est fait sans ambiguïté avec une grande franchise à l’aide de termes dépréciatifs très fort. On remarque que tous ces verbes sont en fin de phrase. Toutes les classes sociales sont concernées par cette désolation (l. 3 : les paysans, la classe sociale des villes et l. 4-5 : les artisans et ouvriers, les commerçants et marchands), le tissu économique de la France est donc détruit. Les deux autres classes nommées (l. 10 : les magistrats, la noblesse) dépende du bon vouloir du Roi. Cette misère est donc totale. Toute la France la subit, comme le montrent les expressions (l. 13 : tout le royaume). Une métaphore saisissante propose l’image finale : c’est la métaphore de l’hôpital (l. 9) qui sous-entend l’état de grande faiblesse du royaume et rappelle l’un des thèmes récurrents : celui de la faim (l. 2, 4, 8-9, 35).

La responsabilité du Roi

Fénelon n’hésite pas à placer le Roi en face de ses responsabilités : le Roi de France est interpellé directement par son titre à deux reprises (l. 22-27). À cette dernière ligne, une question lui est posée, ce n’est pas une question rhétorique même si évidemment la réponse ne sera pas faîte. Il y a abondance du pronom de la deuxième personne et de l’adjectif possessif à la deuxième personne : (vos peuples, vos enfants, l. 11 : vous êtes importuné, l. 12 : c’est vous-même). Dans cette dernière réplique, le présentatif et l’adverbe encadrent le pronom. Les causes du désastre sont explicites :

Il est présenté à la fin comme incapable de rétablir l’ordre, et pire, d’être obligé de payer pour rétablir une paix relative. La France est donc présentée comme un pays où les valeurs morales sont inversées. Cette situation de faiblesse a des conséquences :

Conclusion

Malgré les critiques sévères, Fénelon imagine qu’un changement est possible. Il propose au roi des conseils qui pourraient faire de lui un monarque idéal. Fénelon propose l’image d’un père nourricier. Un bon Roi de France se préoccuperait de la faim, et son royaume redeviendrait les délices du peuple s’il n’écoutait que lui-même. L’idée finale serait celle d’un Roi qui donne et non d’un Roi qui se sert. C’est une mise en accusation du Roi de France très ferme, cependant la monarchie n’est pas remise en question comme elle le sera le siècle suivant. Le ton de Fénelon est toujours plein de respect (par contre celui de Montesquieu ne l’est pas : Le Roi de France est vieux). En temps qu’homme d’Église, en tant que très proche de la famille royale, Fénelon assiste aux erreurs du Roi. Il s’autorise donc à dire des vérités difficiles. Il sera disgracié à la fois pour des raisons religieuses et des pensées politiques audacieuses qui apparaissent dans son ouvrage Les Aventures de Télémaque, conseils pour un futur roi.